Eddy Merckx : "Gilbert est un exemple pour tous"

 " Parfois ", dit-il, " je m'étonne encore que ma cote de popularité soit toujours importante, même auprès de la génération qui ne m'a jamais vue sur un vélo. C'est agréable mais gênant par moments. J'ai peur de décevoir les gens. " Le Tour de France, qu'il a remporté à cinq reprises, reste évidemment l'une de ses épreuves favorites. A quelques jours du départ de la grande Boucle, le " Cannibale " a accepté de répondre à nos questions lors d'un séjour business en Italie.

Eddy Merckx, quel regard portez-vous sur ce Tour de France 2011, qui débute samedi en Vendée ?

Le principal candidat à la victoire finale sera une fois de plus Alberto Contador. Je sais que l'Espagnol est en sursis après avoir été tracassé par une affaire de dopage, mais je suis mal placé pour en juger les tenants et les aboutissants. Ce n'est pas à moi de commenter son éventuelle suspension, mais aux spécialistes de l'UCI (Union cycliste internationale) ou de l'AMA (agence mondiale antidopage), qui examineront prochainement son appel. Même s'il doit se méfier des frères Schleck ou de Robert Gesink, il est clairement le plus fort.

Peut-on comparer son cas au vôtre quand, en 1969, vous aviez été privé de la victoire au Tour d'Italie?

Non. Moi, j'avais été exclu sans autre forme de procès. Ici, la procédure est longue. Le problème, c'est qu'il y a une forme d'acharnement sur les cyclistes à propos du dopage. Dans d'autres sports, on n'en parle pas, ou nettement moins. Prenez le cas de Gattuso (un footballeur de l'AC Milan), il a refusé un test en Italie et on n'a jamais rien dit. Quand on lit le livre d'Andre Agassi, cela passe comme une lettre à la poste. Le cyclisme est le sport le plus de contrôlé. Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Je suis satisfait qu'ils existent et soient de plus en plus pointus, mais quand on voit l'acharnement en ce moment sur Contador, cela m'interpelle.
 
Les profils des grands Tours, et notamment celui du récent et très difficile Tour d'Italie, ne poussent-ils pas les coureurs à se doper ?

Non. Ce sont des athlètes très bien entraînés. Moi aussi, j'ai fait des Tours d'Italie avec de nombreuses arrivées au sommet.

Que pensez-vous des multiples accusations à propos de Lance Armstrong ?

Il a été contrôlé à de maintes reprises, non ? Et maintenant, on essaie de chercher la petite bête.

Est-ce que vous ne risquez pas d'en avoir marre, avec toutes ces histoires ?

J'en ai déjà assez ! Malgré cela, je reste un amoureux du cyclisme, un sport formidable, difficile, mais tellement beau.

Parlons un peu des coureurs belges sur ce Tour. Jurgen Van den Broeck est-il capable de faire aussi bien que la saison dernière, quand il avait terminé cinquième ?

Je suis même convaincu qu'il peut prendre place sur le podium. Il a acquis de l'expérience et n'aura pas grand-chose à perdre. Il a montré lors du Dauphiné libéré qu'il était en forme et doit à présent prouver, comme tout athlète de haut niveau, qu'il peut gérer cette pression supplémentaire.

Qu'attendez-vous de Tom Boonen ?

Jusqu'ici, sa saison n'est pas mauvaise, elle est juste moyenne. Il a remporté Gand/Wevelgem, puis s'est quelque peu éteint, aussi parce qu'il a eu le malheur de tomber sur un Philippe Gilbert nettement supérieur. Il aura à cœur d'inverser la tendance et de gagner l'une ou l'autre étape.

Le début du Tour devrait permettre à Philippe Gilbert de se mettre à nouveau en évidence, non ?

Bien sûr ! En tant que belge, je suis très fier de tout ce qu'il a accompli et impatient de voir jusqu'où il peut aller. J'espère un jour revoir un compatriote gagner le Tour.

Peut-on rêver de le voir rouler sur un vélo Eddy Merckx dans un futur proche ?

Ce serait magnifique qu'il pédale aux côtés de Boonen. Et de Van Den Broeck, tant qu'on y est.


Propos recueillis par Vincent Joséphy