Mignons mais nuisibles, les ratons laveurs prolifèrent autour de Reims et Épernay


Depuis trois ans, elle passe son temps à observer les ratons laveurs. Si Manon Gautrelet se penche si sérieusement sur cette espèce, c’est parce qu’elle en a fait l’objet de sa thèse. Depuis 2019, année du lancement d’une vaste étude sur l’animal, cette doctorante du Cerfe (centre de recherche et de formation en éco-éthologie) rattaché à l’Urca, a ainsi suivi une trentaine de spécimens sauvages de la Marne et des Ardennes, équipés de colliers GPS. Objectif : connaître les habitudes du raton laveur dans son nouvel environnement. Des informations qui serviront ensuite à « supposer ce qui se passera certainement dans les années à venir si la population continue de s’accroître ». Autrement dit : à trouver comment limiter sa prolifération.
Peut-on estimer le nombre de ratons laveurs dans la Marne ?
Il est très difficile d’estimer avec précision le nombre de ratons dans la Marne. Ce qui est certain c’est qu’ils sont présents dans tous les massifs forestiers du département. De la montagne de Reims à l’Argonne. Ils sont particulièrement nombreux en montagne de Reims, qui abrite plusieurs centaines d’individus, et près de la frontière axonaise (d’où viennent les pionniers de la population). Des individus ont également été trouvés près de Reims, Châlons, Sainte-Ménehould ou encore au cœur d’Épernay.
Pourquoi se plaisent-ils dans le secteur ?
Le raton laveur est doué d’une grande adaptabilité. Pour commencer, il s’agit d’un omnivore opportuniste généraliste, autrement dit : il peut manger de tout. Il est aussi bon grimpeur, bon nageur et n’a pas de prédateur naturel, donc très peu de contraintes dans son nouvel environnement.
Concernant l’étude à laquelle vous avez participé, en quoi a-t-elle consisté ?
Le lancement de cette étude est le fruit d’un double constat : la prolifération de ratons laveurs en France et le manque d’informations à leur sujet. Plusieurs institutions désireuses d’entreprendre des recherches se sont donc unies en 2019 pour créer le programme raton laveur. Les études menées au sein de ce programme sont nombreuses : maladies parasitaires, génétique, régime alimentaire… Ma thèse a, elle, pour objectif de connaître l’écologie du raton laveur, c’est-à-dire savoir où il vit, comment il se déplace et ce qu’il mange dans son nouvel environnement.
Dans la Marne, la capture d’individus sauvages et la collecte d’échantillons biologiques reposent exclusivement sur l’appui logistique et technique du parc de la montagne de Reims, site pilote, et des Fédérations de chasse et associations de piégeurs locaux. À cela s’ajoute l’implication précieuse des habitants.
Quels sont les premiers enseignements ?
Les premiers résultats montrent à quel point le raton laveur sait s’adapter à son milieu, tant en termes de nourriture que de sites de repos. La présence humaine joue notamment un rôle important dans cette adaptation en apportant ressources alimentaires et abris. Aussi, bien qu’il s’agisse d’un animal particulièrement attachant, les risques que fait peser sa présence sur la biodiversité locale sont réels et inquiétants. Les résultats définitifs seront connus courant 2023. L’objectif de ma thèse est d’acquérir les connaissances de base qui permettront par la suite de mettre en place des mesures adaptées.
« Il ne faut surtout pas le nourrir ! »
Quel est l’impact de sa présence ?
Les risques pour la faune sont ceux propres aux espèces exotiques envahissantes. Il y a d’abord la compétition pour la nourriture et les sites de repos. La martre des pins, par exemple, partage le même milieu de vie, mais avec des exigences écologiques plus marquées. La présence du raton laveur peut réduire la disponibilité des aliments et des trous d’arbre indispensables pour la martre et ainsi impacter sa population.
Il y a également la prédation d’espèces animales, parfois protégées, voire en danger d’extinction (amphibiens, nichées d’oiseaux…). Et puis, en plus des maladies typiques des carnivores, le raton laveur peut être porteur d’un ver propre à son espèce, le baylisascaris procyonis, transmissible à l’homme et qui peut provoquer de graves troubles neurologiques. Heureusement, les mentions de ce parasite sont extrêmement rares (un seul raton porteur connu à ce jour en France).
En termes de dégâts matériels, les ratons peuvent facilement ravager des vergers, compost ou poubelles. En Amérique du Nord, les dégâts sur les cultures, de maïs notamment, sont considérables. Il peut également arriver que des familles de ratons s’installent dans les granges ou les greniers, causant parfois de gros dégâts dans les toits.
Que conseillez-vous aux habitants qui les croisent de plus en plus fréquemment ?
Le bon comportement est tout simplement de ne rien faire. Le raton laveur est un animal peu craintif, il n’est pas agressif tant qu’on le laisse tranquille.
Il ne faut surtout pas le nourrir ! Sinon, on l’habitue à venir s’alimenter dans les habitations humaines. Le mieux est de ne pas lui donner accès à la nourriture : bien fermer poubelles et composts, protéger les potagers et les vergers (en mettant des bandes de plastiques autour des arbres par exemple)… Pas d’inquiétude, il n’a aucun problème pour se nourrir, et la nourriture humaine n’est pas bonne pour lui.
De manière très personnelle, malgré tout l’amour que je porte au raton, il ne faut pas oublier que l’équilibre de l’écosystème qui nous entoure s’est construit sans lui et que sa présence a un impact non négligeable sur cet équilibre. Beaucoup de vidéos circulent sur les réseaux sociaux et montrent des ratons trop mimis qui donnent envie aux gens d’en adopter, mais ces vidéos ne montrent pas l’envers du décor. Il faut savoir qu’un raton en maison est ingérable, il mange n’importe quoi, grimpe partout, et peut aussi se montrer agressif (ça reste un animal sauvage). En résumé, j’adore le raton laveur… mais dans son habitat naturel !
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