À Rouen, comment le Jardin des plantes s’adapte au réchauffement climatique et teste de nouvelles espèces




« Le changement climatique s’opère beaucoup plus rapidement que prévu… » Julien Goossens ne fait que reprendre ce que répète déjà le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). L’ancien directeur du Jardin des plantes de Rouen, désormais attaché à la direction Nature en ville et paysages, regarde attentivement le jeune chêne, planté il y a six ans dans le poumon vert de la capitale normande.
Nouveau record de chaleur absolu depuis 1920
Le quercus pyreanaica, nom scientifique du chêne des Pyrénées, est répandu en Espagne et dans le sud-ouest de la France, mais à l’avenir, on pourrait le trouver plus en nombre dans nos contrées. Le semis réalisé dans le parc rouennais en 2016 a donné un joli petit arbre de 1,20 m. Nullement gêné par un été particulièrement chaud et sec, marqué par un nouveau record absolu de température enregistré au Jardin des plantes depuis 1920 (année du lancement des relevés météorologiques quotidiens) à la mi-juillet avec 43 ºC. « Le précédent record datait de 2020 avec 41,7 ºC », pointe Julien Goossens.
Ce n’est pas la même danse pour les grands marronniers qui sont en train de mourir et pour l’arbre au caramel qui a visiblement pris un coup de chaud. Le jeune chêne des Pyrénées en pleine croissance, lui, se porte donc comme un charme. Mais il faudra encore quelques années avant que l’arbre n’apporte l’ombrage et la fraîcheur nécessaires pour faire rempart aux fortes chaleurs.« On travaille avec le temps du végétal… » Mais déjà, les jardiniers constatent que le quercus castaneifolia, chêne à feuilles de châtaignier originaire du Caucase et d’Asie centrale, résiste moins bien que son cousin des Pyrénées ou que le micocoulier, l’eucalyptus et autre gingko biloba…
À Rouen, que faire face à la sécheresse qui tue les arbres
Une quinzaine de plants testée
« Avec le réchauffement climatique, il faut qu’on adapte la végétation, surtout en ville. » C’est pour cela qu’en sa qualité de jardin botanique, rattaché au Museum d’histoire naturelle de Paris, le Jardin des plantes de Rouen consacre une partie de son temps et de ses espaces à la recherche. Notamment en ayant accès à l’index seminum, cette banque de graines internationale qui permet de faire des échanges à travers le monde. Un procédé qui permet d’enrichir les collections « et de tester des espèces ». En lien avec le bouleversement climatique, une quinzaine de sujets ont été plantés et font l’objet de toutes les attentions.
« Nous avons amorcé ce travail y a six ans mais on accélère le mouvement », souligne le responsable. En lançant son vaste plan de renaturation en 2020, la Ville de Rouen a planté 2 000 arbres l’hiver dernier, « contre 200 à 300 d’habitude ». En stress hydrique, beaucoup de jeunes et moins jeunes arbres (tilleuls, chênes pédonculés, hêtres…) ne résisteront pas. « Quand on atteint 43 ºC à l’ombre, c’est 67 ºC au sol, sur le bitume en plein soleil. » Sachant qu’un espace arboré peut permettre de faire chuter le thermomètre « jusqu’à six degrés », il a donc été décidé de planter massivement et pour cela, le Jardin des plantes sert de laboratoire pour choisir au mieux les espèces qui pourront résister aux fortes températures, « aux 45 ºC annoncés en 2050 ».
Zoom sur le pin de Calabre, qui pousse à Rouen contre toute attente
Et dire que les botanistes qui l’ont planté ne croyaient pas en sa survie… « Parce que c’est une espèce qui n’aime pas les hivers humides », explique Julien Goossens, directeur adjoint nature en ville et paysage de la Ville de Rouen. Même si l’une de ses impressionnantes branches est soutenue par d’énormes supports métalliques, le pin de Calabre centenaire est en parfaite santé dans le Jardin des plantes. Et des espèces comme la sienne, originellement plus sujettes à pousser dans le sud, il y en aura de plus en plus en Normandie. Dans le centre de la France, on peut déjà en parler au présent. « Le chêne vert qui colonisait le bassin méditerranéen commence à en disparaître et à se naturaliser autour de la Loire… On est en train d’assister à un décalage de la végétation de 700 km vers le nord. »
C’est toute la biodiversité qui va s’en trouver affectée. Julien Goossens pense alors aux oiseaux, aux insectes et aux chauves-souris que l’on trouve sur nos territoires. « Dans les dix ans, le paysage va vraiment être différent… »
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