Franco Dragone rejoint les étoiles juste après avoir décroché la lune

L’annonce lapidaire de la mort de Franco Dragone, ce vendredi soir, aura immanquablement suscité un coup de tonnerre dans le ciel louviérois. Ainsi donc, Franco Dragone, l’enfant de La Hestre, de la cité de la Louve, qui s’en va alors qu’il y a à peine une semaine, il rayonnait de l’aura de son spectacle ‘Décrocher la lune’. Émotion et tristesse nous étreignent… Vendredi dernier, Franco nous avait fait l’honneur d’un entretien téléphonique. Une heure de conversation à bâtons rompus, à deviser de Sancho, de ‘décrocher’, de culture comme vecteur d’économie, de La Louvière, de La Hestre. Une heure de ce qui aura peut-être été sa dernière interview dans sa région. Un entretien que nous oserions aujourd’hui qualifier de chaleureux. Et pourtant, une pointe d’interrogation nous avait titillés. Celui qui nous disait avoir 69 ans, confiait s’être remis d’une leucémie contractée en 2020. Il assurait s’en être tiré. Comme un dernier testament [scald=53469605:sdl_editor_representation] Dès le début de son entretien, il nous avait étrangement évoqué cette phrase qui résonne aujourd’hui comme un testament : « Il faut que les générations suivantes prennent en charge l’événement. Moi, j’ai planté la semence voilà 22 ans : aujourd’hui, l’arbre est taillé dans la bonne direction. » Cette réflexion, nous n’aurions pas eu l’outrecuidance de la susciter nous-mêmes. Demander à Dragone s’il n’a pas envie de passer le flambeau… C’eût paru indécent, outrancier. [scald=53469604:sdl_editor_representation] Vendredi dernier, la veille de la huitième édition de « Décrocher la lune », Franco Dragone était à La Louvière. En compagnie de Fabrice Murgia et des autres de ‘Décrocher’, il était entré au Palais de la bière, place Maugrétout, comme ça, en simple client, ou presque. On lui avait glissé à l’oreille que Rudi Wala, le patron ambassadeur de l’Orval, avait bien envie de le compter parmi ses convives. Alors il s’est laissé aller à un verre, tout simplement, assis à la terrasse, alors que la répétition générale s’entamait. [scald=53470293:sdl_editor_representation] Un brin audacieuse, moi qui ne suis pas de la région du Centre, et qui ne l’avais jamais rencontré, j’étais allée tout simplement me présenter. Il fallait bien trouver une accroche… « Vous êtes bien Franco Dragone ? » « Oui », avait-il répondu d’un air mi-surpris, mi-amusé mais nullement agacé par cette question naïve… Il m’avait promis qu’il me rappellerait le lendemain. Il m’a donné son numéro de téléphone (un numéro italien), mais m’a prévenue : « Laissez-moi votre numéro par sms, et je vous rappellerai, sinon votre coup de fil vous coûtera cher… » Il ne m’a pas fait faux bond : il m’a rappelée comme convenu vers midi. Une heure neuf minutes ! À deviser de Sancho, qui était quelque part le symbole de toute une région privée de ses charbonnages, de sa sidérurgie, de sa faïence Boch, et qui décrochait la lune comme on se reconvertit par sa créativité. Une créativité sans fin [scald=53469603:sdl_editor_representation]Sa créativité à lui était aussi la nôtre à nous citoyens, car il avait insisté sur la nature de son spectacle qui évoluait en équilibre entre le travail des acteurs et la participation du public. Sa créativité à lui, avait fait aboutir plusieurs projets, disait-il : suite à son projet de théâtre-action initié en 2000, des ateliers se sont créés, dédiés à la formation des jeunes ; il citait l’orchestre lunaire, les ateliers de funambules, de cirque… Tout cela n’était que l’aboutissement de ‘Décrocher la Lune’, confiait celui qui avait fait de l’éducation permanente son credo. « Ceci est le spectacle le plus immersif d’Europe, une expérience qu’on vit davantage qu’un spectacle qu’on va voir », avait-il conclu. Vendredi dernier, Franco Dragone avait encore émis l’idée de créer un musée de ’Décrocher la lune’. Autour du Sancho au sarrau et au foulard rouge, et de la lune bien sûr, il y aurait accumulé les marionnettes géantes entre autres éléments majeurs des précédentes éditions. Mais ce n’était « qu’une idée, nullement un projet ficelé », avait-il assuré en souriant. Lui qui était heureux d’avoir été soutenu par chacun des bourgmestres successifs de la cité de la Louve, gageons que ce musée sera peut-être le plus bel hommage que La Louvière pourrait lui rendre. Mais c’est pour après. Il faut d’abord que la star s’en aille dans les étoiles.

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