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Yves Van Laethem est notre invité de ce dimanche: « Si la situation Covid devait se compliquer, les autorités renommeraient un nouveau porte-parole »

Grez-Doiceau. Dans le calme au milieu d’un petit-bois, celui qui, un matin, a dû prendre la succession quotidienne d’Emmanuel André pour nous faire le point sur le Covid au plus fort de la pandémie, nous reçoit.
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« Le 27 avril 2020, mon exposition et ma présence dans les médias ont fortement évolué en effet. »

Toute sa vie, quand il ne voyageait pas, il a travaillé au cœur de la capitale de notre pays, au CHU Saint-Pierre, dont il a été chef de clinique des maladies infectieuses. Le Pr Yves Van Laethem, infectiologue, est aussi devenu l’un des personnages préférés de Kody qu’il a appris à apprécier : « Un garçon très sensible et qui comme moi est plutôt intériorisé et qui a appris à s’extérioriser. Lui pour son boulot d’humoriste et moi par la force des choses. »

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Les caricaturistes vous aimaient bien aussi ?

« Croquer par eux, avoir avec un sac à mon effigie, présent au Grand Cactus… ce fut une période inattendue. Il est important de garder du recul et une forme d’humour dans cette situation de crise. J’ai parfois l’impression que ces dernières années, avec le roi Albert II, je dois avoir été celui qui a été le plus croqué. J’aime ce côté belge, que l’on retrouve aussi dans le Grand Cactus d’ailleurs. »

Et avec le Covid, doit-on être inquiet pour les prochaines semaines ?

« On avait dit que l’on aurait une remontée logique à l’automne parce que les virus respiratoires se plaisent plus lorsqu’on vit un peu plus enfermé. »

Il est donc temps de se faire vacciner ?

« La meilleure solution reste bien la vaccination qui permet de réduire pendant un certain temps la transmission et de casser les courbes et surtout relancer l’immunité des personnes qui auront le vaccin. De nombreuses personnes n’ont plus fait de vaccin depuis 9 à 12 mois et leur immunité est plus basse. »

Vous avez le temps pour une vie sans Covid ?

« Je repense à préparer un voyage ou à terminer certains livres que j’ai abandonnés en cours de route pendant la pandémie. Je suis reparti un peu en Afrique et bientôt aux USA. On devait partir 3 mois mais vu le contexte économique, nous ne partirons que deux mois. Nous allons faire la Géorgie, l’Alabama, le Tennessee puis la Floride et puis la Louisiane et le Texas. On ne fera pas les Grands Parcs jusqu’à San Francisco. Cela coûterait trop cher. À mon âge, on n’a pas envie de reporter un voyage parce qu’on se dit on ne pourra peut-être pas le refaire. Je veux aller dans les Etats du sud, ces Etats plus trumpiens pour comprendre. »

Vous allez disparaître des médias ?

« En novembre, je quitte la fonction de président de la section vaccination du conseil supérieur de la santé que j’avais depuis 8 ans. Si la situation Covid devait se compliquer, les autorités renommeraient un nouveau porte-parole. »

Quand il était porte-parole: «J’ai roulé 14.000 kilomètres»

Dans votre vie, il y a eu un avant et un après 27 avril 2020 ?

« À partir de ce jour, en plus du reste, j’ai ajouté la fonction de porte-parole, le travail pour différents organes qui conseillaient comme le Celeval, le GEMS… l’arrivée des vaccins… J’avais aussi mon rôle de président de la section vaccination du conseil supérieur de la santé. Heureusement que j’étais pensionné. »

Un pensionné actif…

« En effet. Personne ne pensait que j’étais pensionné et en plus, tous les postes étaient gracieux. Je n’ai jamais rien touché sauf au niveau du poste de porte-parole où j’avais droit à des frais de déplacement et heureusement parce que j’ai roulé 14.000 km pour la fonction. »

Un moment difficile ?

« Le seul problème, c’est que pendant les trajets, je n’avais pas le temps de lire les articles scientifiques. Dès que je rentrais chez moi, je me remettais à jour pour répondre aux nouvelles questions des journalistes. Ce fut une période très riche pour moi surtout que, dans les maladies infectieuses, le coronavirus n’avait jamais passionné personne. C’était aussi une période passionnante parce que je découvrais d’autres milieux comme le milieu médiatique, politique… Humainement, c’était très intéressant aussi. »

Vous aviez déjà une expérience des médias ?

« La première fois que je suis apparu dans les médias c’était en 1985 ou 1986 à un JT de la RTBF parce qu’il y avait eu un cas de malaria à l’aéroport de Zaventem en été. Après, j’allais à la TV une ou deux fois par an pour commenter des cas d’Ebola, des réflexions sur les vaccins… »

C’était quoi votre journée type ?

« Deux médias audiovisuels et deux à six journalistes de presse écrites… et le week-end aussi. C’était le principe du porte-parole d’être disponible. Je dois avoir répondu à 95 % des sollicitations »

Votre vie est devenue anormale ?

« Désynchronisée. Cela me rappelait ma vie de médecin qui faisait des gardes et où on ne mangeait pas à heure fixe. C’était un bon stimulant pour l’esprit. »

Un impact sur la vie de couple ?

« J’étais quand même présent dans la maison même si j’étais souvent en réunion ou au téléphone. »

Médecine: «Je suis inquiet pour l’avenir des soins de santé»

Travailler à l’hôpital CHU Saint-Pierre, c’est un choix ?

« J’ai commencé en 1978. C’est un hôpital public et j’y tiens. J’ai commencé à la mi-août et je l’ai quitté en mai 2017. C’est un hôpital qui a un sens et je voulais m’investir dans une médecine universitaire avec de la recherche et pas seulement des soins. Je voulais un hôpital social ancré dans son quartier. J’ai aimé y travailler. J’y étais honnêtement payé. Je suis parfois horrifié de voir les sommes que gagnent certains médecins. Je me dis « M’enfin » comme dirait Gaston. J’ai toujours apprécié de travailler dans cet hôpital pour soigner chaque personne du mieux que nous pouvions. »

Pas de limite aux soins ?

« Non et heureusement. Les limites, je les vois quand je vais soigner en Afrique. Quand je suis à Bukavu, je serai parfois heureux d’avoir un scanner mais je n’ai pas toujours les outils ni les moyens pour le faire. Nous n’avons pas non plus toutes les capacités d’analyse de laboratoires. »

Inquiet pour l’avenir de nos soins de santé ?

« Oui je suis inquiet. Je pense qu’il conviendrait de mieux maîtriser les coûts. C’est un problème que tous les systèmes ont, même les Américains. Je pense qu’il faut rationaliser la manière dont les actes médicaux sont appliqués. Je suis convaincu qu’il y a un certain nombre d’actes médicaux qui sont pratiqués systématiquement et qui sont inutiles dans les hôpitaux. Il y a des choses que l’on ne devrait plus faire. En plus, on manque de personnel soignant : médecins, infirmières… »

Investir plus dans la première ligne ?

« Et aussi dans les soins préventifs… Cela devrait être la priorité et ensuite le curatif. Avoir la prévention dans les mains des Régions et le curatif au Fédéral, c’est un non-sens. Cette répartition est aberrante. La prévention est de loin la plus importante. Notamment dans l’obésité, le diabète… »

Que pensez-vous du ministre Vandenbourcke ?

« C’est un homme que j’apprécie beaucoup. Il fait des choix de manière raisonnée. Il se base sur des faits… même si bien sûr, la politique joue un rôle. Il essaie d’être de consensus et de dialoguer avec des arguments. Il est un de ceux qui sont sortis du lot et qui peuvent accepter de se tromper. »

Loisirs: «J’ai pris 12 kilos»

Le Covid a laissé une trace en vous ?

« Pendant cette période, j’ai pris 12 kilos. Je suis beaucoup resté assis en réunion. »

Vous retrouvez le temps pour les livres ?

« J’aime beaucoup lire, même si pendant ma carrière, j’ai un peu moins lu. Depuis ma pension, je relis… mais pendant le Covid, pendant deux ans, j’ai moins lu évidemment. »

Que lisez-vous ?

« Des romans, cela peut aller d’Amélie Nothomb à Schmidt… Un peu ce que je découvre. Et aussi des livres de voyages parce que je prépare toujours énormément mes voyages pour être certain de ne rien rater d’important sur place. »

Ses deux grandes expériences

Pensionné mais vous travaillez toujours finalement ?

« Je garde une activité médicale : trois consultations, trois demi-journées par semaine à Saint-Pierre. J’y soigne mes anciens patients HIV (qui ont entre 45 et 85 ans). Cela devient une vraie consultation de médecin généraliste avec des personnes que je connais depuis 20 à 25 ans. Des personnes qui à l’époque avec la maladie pensaient qu’ils/elles ne verraient pas grandir leur enfant… Certains d’entre eux étaient des personnes quasi mortes et puis de nouveaux traitements sont apparus… Je suis heureux de toujours les voir en vie. Cela donne l’espoir dans la médecine. »

Cette expérience vous a aidé pendant le Covid ?

« J’ai connu deux grandes pandémies qui sont des miroirs l’une de l’autre. Je me rappelle que dans les années 80 et 90, on faisait ce que l’on pouvait avec les patients HIV sans solution. En plus le relationnel était très différent que pour un patient Covid qui arrive en urgence en insuffisance respiratoire et avec qui on ne sait déjà plus dialoguer comme en mars-avril 2020. Le patient HIV, on parlait avec lui et sa situation se dégradait petit à petit. En plus, il était bien souvent stigmatisé. On le voyait pendant plusieurs années. »

V.Li.

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