Enfants influenceurs: une nouvelle loi vise à protéger les petites stars d’Instagram et TikTok en Belgique


En Belgique, une vieille loi de 1971 interdit de faire travailler des enfants de moins de 15 ans, ou qui sont encore soumis à l’obligation scolaire. L’idée de base, c’est de les protéger : le travail pourrait compromettre leur bien-être et leur développement. Mais il existe des dérogations pour certains « métiers culturels » très précis énoncés dans la loi, comme par exemple mannequin, acteur ou figurant au cinéma, chanteur, modèle dans des défilés de mode, etc. À l’époque, les réseaux sociaux n’existaient pas et encore moins le métier d’influenceur…
À 8 ans, il était le Youtubeur le mieux payé !
Depuis, les influenceurs de tout genre ont envahi la toile. Il ne faut pas nécessairement être une star pour faire la pub d’un produit, il suffit d’avoir un grand nombre de followers sur Instagram ou Youtube pour intéresser les grandes marques, qui vous rétribuent afin d’influencer les consommateurs. Et qui de mieux qu’un enfant pour faire la promo de jouets par exemple ? Le jeune Ryan Kaji, un petit américain de 10 ans suivis par plus de 33 millions d’abonnés, gagne des millions de dollars chaque année rien qu’en déballant et en testant des jouets sur Youtube ! En 2020, le magazine spécialisé Forbes le classait comme le Youtubeur le mieux rémunéré de la planète : 29,9 millions de dollars et il n’avait que 8 ans !
En Belgique aussi, il existe des enfants influenceurs, qui gagnent moins d’argent mais qui sont quand même payés, en argent ou en cadeaux, pour exercer ce travail. L’ennui, c’est qu’ils font cela en dehors de tout cadre légal puisque la loi ne les mentionne même pas pour les dérogations.
Une députée flamande (Leen Dierick, qui appartient au CD&V, l’équivalent du parti francophone Les Engagés) vient de déposer une proposition de loi afin de mieux cadrer et réglementer le travail des enfants influenceurs, et du même coup de tous les autres enfants. En gros, elle veut moderniser la loi de 1971 pour apporter plus de flexibilité au travail des enfants et une meilleure protection.
Activités et horaires élargis
D’abord, elle veut intégrer ce nouveau métier dans la loi. Ensuite, elle veut allonger les durées de travail, en augmentant le nombre d’activités et le nombre d’heures maximal autorisé par an. Par exemple, actuellement, un enfant de moins de 6 ans ne peut pas exercer plus de 6 activités par an, de maximum 4 heures chacune. La députée souhaite qu’on lui autorise jusqu’à 36 activités par an, pour un maximum de 48 heures de travail. Pour les 7 à 11 ans, elle demande que l’on passe de 12 activités de 6 heures maximum chacune à 50 activités pour un total de 144 heures maximum de travail par an. Pour les 12-15 ans, elle souhaite passer de 24 activités de 8 heures chacune, à 84 activités et 288 heures maximum au total.
Risque d’abus
Concernant la rémunération, la députée demande qu’un arrêté royal fixe un montant maximum à ne pas dépasser (elle-même ne précise pas ce montant). Comme c’est déjà le cas actuellement pour les enfants mannequins ou acteurs qui travaillent, l’argent devra être bloqué sur un compte d’épargne au nom de l’enfant, compte auquel il ne pourra accéder qu’à partir de ses 16 ans.
Il y a aussi toute la question du partage des rémunérations quand les parents, influenceurs eux-mêmes, font travailler leur enfant comme figurant dans une vidéo postée sur Youtube. « En France et aux États-Unis, les montants obtenus par certains influenceurs mineurs représentent parfois une part considérable des revenus du ménage », observe la députée Leen Dierick, qui espère que sa proposition de loi soit votée au parlement. « Si ce phénomène apparaît également en Belgique, cela pourrait donner lieu à des abus. Il ressort d’une enquête réalisée auprès des acteurs de terrain qu’à l’heure actuelle, aucun enfant résidant en Belgique ne reçoit de sommes excessives pour ses activités d’influenceurs. Mais la probabilité que cela se produise à l’avenir est bien réelle ».
Il faut demander une autorisation
La députée conserve le système des dérogations. Chaque enfant (par l’intermédiaire de ses parents) devra toujours demander l’autorisation au Service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale, avant de pouvoir travailler. Les autorisations ne sont octroyées que pour une activité précise et une durée déterminée. Il faut l’accord des parents et bien sûr, l’activité ne peut pas être néfaste pour l’enfant.
Guizzi, de Mons, témoigne: «J’avais 13 ans quand j’ai débuté»

Son nom de Youtubeur est Guizzi, mais son nom dans la vie de tous les jours est Andréas Raxhon. Il habite dans la région de Mons, il a 23 ans et 1,33 million d’abonnés sur Youtube suivent ses vidéos de divertissement. Il témoigne.
« J’avais 13 ans lorsque j’ai commencé à poster des vidéos sur Youtube », nous confie-t-il. « Je faisais cela pour m’amuser. J’adore les jeux vidéos et mon truc, c’était de me filmer en train de jouer, en solo ou en groupe, et puis de commenter par dessus. Je faisais ça dans ma chambre, après les cours. Mes parents me suivaient et me soutenaient. Ça me prenait 3 heures par jour environ et je sortais 1 video par semaine, de 4 à 10 minutes ».
À l’époque, Andréas ne gagnait pas d’argent à faire cela. « On était en 2012, c’était moins facile de se faire connaître sur les réseaux sociaux, c’était beaucoup moins populaire. Aujourd’hui, les plateformes ont beaucoup plus de succès et tout va plus vite. Moi, j’ai dû attendre mes 16 ans pour atteindre les 10.000 abonnés. Je n’ai gagné mes premiers sous avec cela qu’à l’âge de 18 ans, grâce aux pubs que Youtube diffuse avant et après ma vidéo ».
Aujourd’hui, Andréas vit de son métier. « Je suis influenceur, c’est un vrai métier, j’ai deux employés dans ma société, des marques me contactent pour des placements de produits, etc. »
« Si vous faites cela pour devenir célèbre, ça ne fonctionnera pas ! »
Quel conseil a-t-il envie de donner aux enfants ou aux ados qui auraient envie de se lancer dans ce nouveau métier ? « J’ai commencé par passion, c’est toujours ma passion, elle a juste grandi. Si vous faites ça pour devenir célèbre, ça ne fonctionnera pas ! Les gens qui regardent vos vidéos sont de vraies personnes qui ressentiront tout de suite les choses. Moi, ce qui me passionne là-dedans, c’est le côté créatif. Je crée du contenu ».