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Procès des attentats à Bruxelles: le rôle de l’accusé Smail Farisi détaillé par les enquêteurs devant la cour d’assises

Les enquêteurs se sont attachés, lundi matin devant la cour d’assises de Bruxelles, à décrire la personnalité de l’accusé Smail Farisi et son rôle dans les attentats du 22 mars 2016 à l’aéroport de Zaventem et à la station de métro de Maelbeek.

La présidente de la cour, Laurence Massart, a annoncé en début d’audience que les salles relais mises à disposition dans le bâtiment du Justitia seraient désormais fermées, faute d’affluence. La salle d’audience peut en effet contenir l’ensemble des visiteurs qui désirent suivre ce procès hors norme. La réouverture de l’une des sept salles relais reste envisageable si nécessaire, a précisé la présidente.

Cette dernière a ensuite voulu évaluer l’ampleur des questions, depuis le banc de la défense, des procureurs comme des parties civiles, qui seront soumises aux enquêteurs - à la barre depuis le 21 décembre - afin d’ajuster le calendrier. L’objectif est de soumettre aux victimes un planning réaliste pour qu’elles ne se déplacent pas sans raison. Une entreprise qui n’a pas porté ses fruits, la plupart des avocats expliquant qu’ils en auraient «beaucoup» sans pouvoir les quantifier réellement. «On ne peut pas sans arrêt donner des heures aux parties civiles puis le modifier», s’est agacée la présidente, alors que le procès prend du retard, ce qui engendre donc des modifications régulières.

La présidente a ensuite indiqué que, durant les congés de printemps (Pâques), les audiences seraient suspendues la semaine du 1er mai.

Après ces considérations techniques, les accusés Osama Krayem, Salah Abdeslam et Mohamed Abrini ont exprimé leur désir de retourner au cellulaire. La séance s’est donc poursuivie en présence des accusés Smail et Ibrahim Farisi, Hervé Bayingana Muhirwa, Bilal El Makhoukhi, Ali El Haddad Asufi et Sofien Ayari. Pour rappel, le dixième homme, Oussama Atar, est présumé mort en Syrie et fait donc défaut.

Quelqu’un de « trop gentil »

Smail Farisi a pratiquement toujours vécu chez ses parents. Élevé «à l’européenne», il ne se présente pas comme religieux. Il fume et boit de l’alcool. Il ne parle pas l’arabe classique (uniquement le berbère) et n’a jamais manifesté aucun intérêt pour Daesh, la Syrie ou la politique. Ses proches le décrivent comme quelqu’un de calme, timide, naïf et introverti. Son père dit de lui qu’il est «trop gentil» et «ne sait pas dire non». Il n’a jamais eu de problème avec la justice avant son interpellation le 9 avril 2016.

Alors comment l’homme apparaît-il sur les radars de la police, dans le cadre de l’enquête sur les attentats de Bruxelles ? C’est l’accusé Osama Krayem qui, lors d’une audition, mentionne le studio situé au numéro 39 de l’avenue des Casernes à Etterbeek. Smail Farisi y est domicilié depuis mars 2015 via le CPAS. L’Anderlechtois entend ainsi conserver ses droits au CPAS. L’appartement, occupé en dilettante, constitue également un lieu de refuge après des soirées arrosées, afin de ne pas imposer son état d’ébriété à ses parents.

Fin septembre-début octobre 2015, Smail Farisi rencontre de manière fortuite l’accusé Ali El Haddad Asufi dans le centre de Bruxelles. Ils ont perdu le contact après avoir quitté l’école. Ils échangent alors leurs numéros de téléphone. C’est Ali El Haddad Asufi qui en fera l’usage le premier et c’est par son intermédiaire qu’Ibrahim El Bakraoui emménagera avenue des Casernes. Il s’agit alors pour Smail Farisi de dépanner gratuitement son vieil ami qui éprouve des difficultés à trouver un logement.

Au cours de cette sous-location, l’accusé s’est rendu à de nombreuses reprises (143) dans l’appartement. Pour les enquêteurs, il s’agit de «bien plus que de simples visites de courtoisie».

Une réunion de crise

Les policiers ont relevé plusieurs moments interpellant capturés par la vidéosurveillance de l’immeuble etterbeekois. «Le 18 novembre, soit le jour où la police française intervient à Saint-Denis», dans un immeuble où s’étaient retranchés des membres du commando des terrasses à Paris, «on voit les frères El Bakraoui et Mohamed Bakkali (mort durant la fusillade de la rue du Dries à Forest, NDLR) entrer dans l’appartement pour ce qu’on imagine être une réunion de crise», a raconté, images à l’appui Grégory Moitroux. «On voit ensuite Smail Farisi arriver et on a l’impression qu’il les interrompt, car Khalid El Bakraoui et Mohamed Bakkali quittent les lieux cinq minutes plus tard.»

Khalid El Bakraoui, qui se fera exploser dans le métro à Maelbeek, emménage le 26 novembre 2015. Le 16 mars - soit le jour de la parution de la photo des frères El Bakraoui, qualifiés de «terroristes», dans la presse -, Smail Farisi revient presque quotidiennement à l’appartement, où vivent désormais Khalid El Bakraoui et l’accusé Osama Krayem. Il aperçoit ce dernier, qu’il dit ne pas connaître, en rentrant, soûl, d’une soirée. Khalid El Bakraoui tentera alors de le rassurer sur les photos, prétextant que la police essaie de leur «mettre» des accusations de terrorisme «sur le dos» car ils sont connus pour grand banditisme. L’intéressé a expliqué aux enquêteurs qu’à partir de cette date, il décide de se rendre à l’appartement tous les jours afin de «pousser à bout» ses occupants «pour qu’ils s’en aillent».

Un « déclic »

Le 22 mars, jour des attentats à Zaventem et Bruxelles, Smail Farisi a, selon des déclarations, un «déclic» et fait le lien entre les attaques et ses locataires en voyant une photo des kamikazes à Zaentem. Il affirme d’ailleurs avoir pris «l’homme au chapeau» (l’accusé Mohamed Abrini) pour Kalid El Bakraoui, aux côtés d’Ibrahim El Bakraoui et Najim Laachraoui sur un cliché émanant des vidéo-surveillance de l’aéroport. Il retourne donc à l’avenue des Casernes pour vérifier que les lieux sont vides et récupérer le jeu de clés qu’il avait confié aux occupants. Ne le trouvant pas, il décide de tenter de changer la serrure de peur «que des gens ne reviennent». Il est, selon ses dires, pris de panique. «Je suis comme une pile électrice, je n’arrive pas à tenir en place», explique Smail Farisi lors d’une reconstitution avenue des Casernes. «J’essaie de comprendre mais il n’y a rien à expliquer : ils m’ont baratiné, ils sont partis, ils se sont fait exploser.»

Avec son frère Ibrahim Farisi, également accusé dans ce procès, il vide l’appartement et contacte peu après la propriétaire pour mettre fin au bail. Son frère était-il au courant, lors du déménagement, que des terroristes avaient occupé le studio ? Smail Farisi affirme que non. «Vous auriez pu expliquer les raisons de votre nervosité à votre frère», insiste le juge d’instruction pendant la reconstitution. «Pour quelqu’un de normal, oui. Mais à ce moment-là, j’étais préoccupé par ce que ces connards avaient fait. Je n’étais pas dans mon état normal. Sinon, j’aurais été voir la police.»

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