Analyse: voici pourquoi Bart De Wever rêve de la fin, même extralégale, de la Belgique


Bart De Wever a deux rêves : faire de sa N-VA le grand parti de centre-droit en Flandre, ce que le CD&V était il y a quelques décennies et être le héros de l’indépendance flamande, même s’il s’était rabattu sur sa version soft, le confédéralisme, cette terre où Wallons et Flamands n’auraient presque plus rien en commun.
Proposer de forcer le destin flamand de façon extralégale peut surprendre de la part d’un président de parti démocratique qui est aussi un mandataire public (bourgmestre d’Anvers). Ça donne un petit genre « coup d’État », même si la volonté est plutôt de relancer une dynamique qui vire doucement à l’impasse.
Coup à la Trump
Ce « coup de tonnerre ou de gueule », à la Trump, n’est pas sans danger : on peut voir la proposition dans toute son ambiguïté, ce qui tendrait à la rendre moins choquante, mais cette « extra-légalité » renvoie surtout à des sentiments antidémocratiques. Ces dernières années, nous n’avons pas cité innocemment le nom de Trump, ces sentiments se sont répandus dans la population, chez nous aussi. Les réponses non démocratiques, aux problèmes que rencontre une société devenue trop complexe, ont la cote. Bart De Wever tenterait-il, à sa manière, de surfer sur ces sentiments ? Rendre la vie des gens meilleure, l’ambition de tout politique même quand il souhaite l’indépendance de la Flandre, peut-elle s’accommoder de cela ?
Coïncidence, le président du PS, Paul Magnette, l’a rappelé, il y a une semaine, dans une émission politique (Terzake) à la télé flamande : il essaiera toujours de faire une majorité sans la N-VA et, de toute manière, le PS ne sera jamais partenaire d’un projet confédéral, car la Belgique ne trouve aucun salut dans pareille aventure.
La technique des 2 ministres
Ce président socialiste auquel De Wever avait déjà proposé, lors des trop longues négociations post-électorales de 2019, cette technique bicéphale qui aurait permis à la Flandre de donner des couleurs moins fédérales, par exemple, aux soins de santé. Le CD&V n’y avait pas été insensible.
C’est à cette technique bicéphale que De Wever fait référence, expliquant qu’elle a déjà été utilisée, avant la régionalisation, quand il y avait un ministre de l’Éducation nationale francophone et un autre flamand… S’attirant aussitôt les quolibets des « glorieux anciens », Herman De Croo, le père de l’actuel Premier ministre, en tête : à l’époque, cela n’avait rien à voir, le francophone et le néerlandophone travaillaient autant que possible en concertation pour éviter les confrontations, dit-il.
Pas en si grande forme
La sortie de De Wever ressemble quelque part à un coup de com’ pour remettre la N-VA au centre du jeu, sa place naturelle pour « le grand parti du centre ». C’est que l’empereur anversois n’est pas dans une position si confortable : le Vlaams Belang a supplanté la N-VA dans les sondages, le gouvernement flamand dirigé par un N-VA, Jan Jambon (4 ministres sur 9), ne présente pas un bilan extraordinaire et ne fait pas mieux que la Vivaldi au niveau fédéral. Quant à De Wever, il est le bourgmestre d’une ville dans la tourmente des trafics de drogues, avec les violences que cela suppose… Ce qui ne manque d’ailleurs pas de piquant, c’est qu’il a lancé là un appel à l’aide (légitime) aux autorités fédérales. Pas de vision séparatiste dans ce cas et, insistons : l’union sacrée est, bien sûr, la décision à prendre en pareilles circonstances.
Bref, De Wever, n’est pas en position de force à un an du scrutin. Surtout que la « romance » entre la N-VA et le Vooruit de Conner Rousseau est du pain béni pour le Belang qui répète à l’envi que si vous votez pour la N-VA, vous aurez les socialistes en cadeau bonus. L’autre péril pour De Wever, c’est de voir les futurs scrutins transformés en un match entre Belang et Vooruit, ce qui pourrait conduire l’électeur de droite (la majorité des électeurs flamands) à choisir le Belang de préférence à la N-VA.
Le « grand parti de centre-droit » en Flandre doit donc garder la main. Si le Belang la prend en Flandre après le scrutin de 2024, ce ne sera bon pour personne.
Garder la main
Tenter de forcer le destin de la Flandre, même de façon extralégale, c’est une manière de (tenter) de garder la main, comme il sied à celui qui veut marquer, de manière inoubliable, l’histoire de la Flandre et qui ne retardera pas indéfiniment un momentum en train de se débiner… S’il s’est réellement présenté un jour. Lisez : il doit continuer à persuader les Flamands qu’il reste l’homme de la situation, plus que le patron du Belang, Tom Van Grieken. Peut-il jurer que tous les militants de la N-VA le pensent encore ?
Il y a deux démocraties en Belgique, a toujours dit De Wever, mais il n’y a toujours pas de majorité pour lui permettre d’aller au bout de ses fantasmes. Si elle se présente un jour, ce ne sera qu’en Flandre et il risque de ne pas en tenir les rênes. Ce qui, rappelons-le, ne sera pas non plus une bonne nouvelle pour la Belgique.
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