Master en médecine refusé à l’UMons: l’université démonte point par point l’argumentation de la ministre


L’université montoise démonte point par point l’argumentation de la ministre invoquée pour refuser le master en médecine tant espéré.
« Notre demande commune UMons-ULB de master en médecine en Hainaut n’implique aucune augmentation du nombre d’étudiants en médecine étant donné le contingentement via le concours d’entrée, conditionné par le plafond des numéros INAMI. Seule une relocalisation des étudiants diplômés à l’issue de leur premier cycle à l’UMons en Hainaut est ciblée avec pour effet recherché un accroissement des médecins, particulièrement des généralistes, exerçant dans la province ». Le cursus orientera d’ailleurs les étudiants dans cette voie, insiste l’UMons.
Le coût
Un autre point de rupture : le coût de l’organisation de ce master, invoqué par la ministre. Selon l’UMons, au contraire, cela n’implique aucune augmentation financière significative : « Il n’y aura pas de création d’hôpital académique étant donné que l’hôpital académique sera Erasme (y compris ses 200 lits CHU répartis dans 5 hôpitaux sur l’ensemble du territoire de la province). Il n’y aura pas non plus de création d’une faculté étant donné que la faculté de Médecine et Pharmacie (FMP) existe déjà à l’UMons. Elle fête d’ailleurs son 50 e anniversaire cette année. La seule augmentation financière effective résultera du coût marginal représenté par les étudiants inscrit.e.s en master en médecine dans une université de taille moyenne comme l’UMons. L’impact financier est estimé par la ministre à moins de 500.000€ sur 3 ans, soit un montant annuel de l’ordre de 0,01 % du budget 2023 de la Fédération Wallonie-Bruxelles ».
« Pas de concurrence territoriale »
Et l’UMons de rappeler que son master en médecine « n’implique aucune concurrence territoriale puisqu’en Wallonie, le seul endroit où le master en médecine est organisé se trouve à Liège. En Région bruxelloise, le master en médecine est organisé par l’UCLouvain et notre partenaire, l’ULB ».
L’université s’interroge : « en termes d’équité des étudiants, est-il normal qu’un étudiant de Tournai ou de la Botte du Hainaut doive se rendre si loin et à quel coût de logement, pour poursuivre ses études de médecine, alors que d’autres y ont accès à domicile ? »
Susciter des vocations médicales
En ce qui concerne les vocations médicales, en tenant compte de la population des provinces, il faut noter que « les candidats à l’examen d’entrée en médecine sont 50 % plus nombreux pour les résidents du Brabant wallon que pour ceux du Hainaut ! La différence en défaveur du Hainaut est de 25 % par rapport à Liège et de 45 % pour la Région Bruxelles-Capitale, là où l’on retrouve les 3 facultés de médecine organisant le master. Le nombre de jeunes Hainuyers qui s’inscrivent dans l’enseignement supérieur en Hainaut est plus faible que partout ailleurs en Fédération Wallonie-Bruxelles ».
Mons-Borinage, et plus largement le Hainaut, manquent en effet de médecins généralistes : « En Hainaut, la densité des médecins généralistes est inférieure de 19 % à la moyenne wallonne. De plus, le vieillissement de l’âge moyen des médecins contribue à l’accroissement de la pénurie à moyen terme en Belgique. C’est le cas en Hainaut plus qu’ailleurs, avec un départ massif de médecins généralistes à la pension. Les médecins âgés de 60 ans et plus représentent en Hainaut 53 % de la totalité, soit nettement plus que la moyenne wallonne. Ce souci démographique va s’amplifier, vu la faible relève qui s’annonce : les médecins hainuyers âgés entre 40 et 50 ans représentent moins de 10 % du nombre total de leurs confrères dans la province. Le Hainaut est la province avec le revenu moyen le plus faible de la Région wallonne et l’espérance de vie y est la plus faible de toute la Belgique (en moyenne 2,6 années plus basse que la moyenne belge ».
Sortir de la pénurie
En conclusion, « le partenariat entre l’UMons et l’ULB en Hainaut vise à réduire cette inégalité en favorisant l’accès à l’enseignement universitaire en Hainaut ainsi que les vocations dans un domaine où il existe un besoin sociétal cruellement mis en lumière lors de la crise du Covid. L’objectif conjoint est de susciter et de favoriser les vocations des jeunes Hainuyers et de les orienter vers les soins de première ligne et la médecine générale pour qu’une fois diplômés, ils et elles exercent leur pratique dans la province qui les a formés et contribuent ainsi à la sortie de pénurie ».
Master en médecine refusé à l’UMons: la ministre passée au grill par les députés de Mons-Borinage
En décembre dernier, l’UMons se montrait optimiste : ses demandes pour pouvoir enfin proposer un master en médecine semblaient en bonne voie. Coup de tonnerre : la ministre vient de refuser la demande de l’université montoise.


L’UMons avait en fait deux demandes : pouvoir proposer un master en droit et un autre en médecine. Pour que les étudiants puissent suivre une scolarité universitaire complète (5 ans hors spécialisation) à Mons, sans devoir partir sur Bruxelles ou Louvain-la-Neuve. La bonne nouvelle, c’est que le master en droit est accepté. Selon nos confrères de La Libre, sur les 57 demandes de création de nouveaux programmes d’études, la ministre en a accepté 55. Pas de chance pour l’UMons et son master en médecine qui était très attendu…
« Ma décision n’est pas contre Mons et Namur puisque d’autres demandes venant de ces universités sont acceptées », a-t-elle précisé à nos confrères, avant d’invoquer le problème des numéros Inami et la bonne gestion de l’argent public.
« Je suis sidéré »
Ce mercredi après-midi, la ministre Glatigny (MR) est passée au grill en séance plénière du parlement de la fédération Wallonie-Bruxelles.
« Je suis sidéré, depuis quand le gouvernement décide seul qui a le droit à une habilitation ou pas ? », s’est interrogé le député Manu Disabato (Ecolo).
« Vous allez à l’encontre de la décision positive de l’ARES (Académie de recherche et d’enseignement supérieur). L’UMons répond à tous les critères. Il faut arrêter de se focaliser sur la distance entre l’UMons et Bruxelles », s’insurge pour sa part Joëlle Kapompole (PS).
Et John Beugnies (PTB), d’ajouter : « Cette décision montre à quel point vous êtes déconnectée de ce qu’il se passe dans les hôpitaux et dans les milieux populaires. C’est comme si vous considériez cela comme un caprice que des jeunes de Mons veulent devenir médecins. À Mons-Borinage, des dizaines de jeunes renoncent à ces études car il faut aller koter à Bruxelles et Louvain-la-Neuve et qu’ils n’en ont pas les moyens financiers. Ce que vous faites aujourd’hui, c’est briser leurs rêves ».
La ministre se défend
La ministre Valérie Glatigny a tenté d’argumenter : « L’ARES nous a remis un avis concernant 57 habilitations dont la très grande majorité sont hautement nécessaires : bachelier en jeux vidéo ou gestion de crise, master en droit à l’UMons… Car nous allons bien sûr l’accepter vu que ce ne sont pas des études contingentées ».
Le master en médecine demandé par l’UMons est par contre refusé. « La demande de master en médecine a été particulièrement débattue à la Chambre des universités : il y a eu 5 votes pour, 2 contre et 2 abstentions. Suite à ce vote, l’université a envoyé un communiqué disant que c’était en bonne voie. À partir de là, j’ai reçu une foule de questions d’externes et de gens de l’université. Des inquiétudes me sont remontées de manière informelle donc j’ai regardé les critères qui devaient prévaloir pour le refinancement de l’enseignement supérieur. L’augmentation du nombre de diplômés est un critère, or ces études sont toujours contingentées ! Nous n’allons pas augmenter le nombre de diplômés, cela concerne environ 70 étudiants en Hainaut ».
La ministre poursuit : « On sait bien que derrière, la demande c’est d’avoir un hôpital universitaire. Or, cela coûte 3 à 4 millions par an et nous avons un déficit qui se creuse. Ma vision est celle d’une équité entre étudiants et pas d’une septantaine d’étudiants surfinancés et surencadrés par rapport aux autres ».
Mons n’est pas la seule université à se voir refuser un master. La spécialisation en médecine générale est refusée à l’université de Namur. « Il n’y a aucune volonté de cibler Mons ou Namur, mon raisonnement est basé sur des données empiriques », a conclu la ministre.
L’UMons tombe des nues
Pour l’UMons, la déception est grande ! L’université balaie les arguments du plafonnement INAMI et de l’hôpital universitaire avancés par Valérie Glatigny. « Nous répondons à tous les critères d’analyse que doivent remplir les demandes d’habilitation fixés par l’ARES ! Toutes ! Nous évitons les concurrences territoriales ; nous avons opté pour la codiplômation avec notre partenaire l’ULB et notre démarche répond à des besoins socio-économiques objectivement démontrés, en particulier, de santé publique. Contrairement à ce que prétend la ministre, l’obtention du master en médecine ne coûtera pas plus d’argent aux finances publiques ! »
Et de rappeler « la pénurie manifeste de médecins généralistes qui frappe notre province et dont les statistiques de l’Observatoire de la santé témoignent ».
L’université s’étonne que la ministre exprime son point de vue personnel avant même le positionnement du gouvernement et du parlement. « C’est un coup de poignard dans le dos des Hainuyers. C’est d’autant plus étonnant alors que le président du MR, Georges-Louis Bouchez, est membre du conseil d’administration de l’UMons ».
Le collège communal de la Ville de Mons a aussi souhaité réagir. « Le Hainaut est la province la plus peuplée de Wallonie et ne dispose à ce jour d’aucune offre de master de médecine. Elle connaît une pénurie de médecins plus marquée qu’ailleurs, tandis que la proposition de jeunes ayant accès aux études universitaires y est plus faible qu’ailleurs », précise le collège. « À ce titre, il était donc totalement fondé que l’UMons formule une telle demande d’habilitation. Nous demandons donc au gouvernement de reprendre le dossier en main car il n’appartient pas à une ministre, qui n’a aucune délégation en la matière, d’adopter une telle position sans l’assentiment du gouvernement. »
Le master refusé à l’UMons alimente la guéguerre entre Nicolas Martin et Georges-Louis Bouchez

Le bourgmestre de Mons, Nicolas Martin (PS), a tenu à réagir à son tour après la prise de position de Georges-Louis Bouchez (MR), membre du conseil d’administration de l’UMons mais qui soutient la décision de la ministre Glatigny (MR aussi) de ne pas accorder de master de médecine à l’UMons.
Pour Nicolas Martin, « la prise de position du MR et de son président Georges-Louis Bouchez est une trahison à l’égard de Mons et du Hainaut ». Il démonte à son tour les arguments invoqués par GLB. « Avec sa ministre, ils disent combattre le sous-localisme en refusant un master complet en médecine à Mons, qui ne serait que le deuxième en Wallonie, mais octroient, dans d'autres établissements universitaires, d'autres filières qui existent déjà. L'UCL aura par exemple droit à son 5ème bachelier en droit ! ».
Selon Georges-Louis Bouchez, avoir un master en médecine à Mons ne ramènerait pas plus de médecins généralistes chez nous car on ne reste pas forcément sur le lieu où l’on a fait ses études. « Le MR est d’une mauvaise foi coupable : chacun sait que la présence d’une université aide une région à disposer de ressources qualifiées. Par ailleurs, il ne faut pas être un grand expert pour comprendre qu’en créant une Faculté complète à Mons, les étudiants hennuyers qui n’ont pas les moyens de se payer un logement à Bruxelles durant leurs études pourraient avoir la possibilité d’étudier la médecine à moindre coût, près de chez eux, au cœur de la province la plus peuplée de Wallonie. Aujourd’hui, il y a 3 facultés de médecine complètes à Bruxelles (1,2 million d’habitants) et aucune en Hainaut (1,4 million). C’est profondément injuste et inacceptable. En refusant d’octroyer une habilitation à l’UMons, le président du MR et sa ministre réservent les études de médecine aux plus riches ! »
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