La Petite Gazette


Grâce à une lectrice d’Esneux, je puis, cette semaine, partager avec vous un très intéressant témoignage de la campagne des Dix-huit jours vécue par son papa, Hubert Paquot du 12e Rgt de Ligne, soldat milicien de la levée 1939.
« J’ai donc rejoint cet après-midi du 10 mai 1940 (à ce moment je faisais partie, en tant que violoniste, de l’orchestre symphonique du 3e C.A., général de Krahe, dirigé par le capitaine Hendrichx du 12e Rgt de Ligne) mon régiment cantonné à Retinne (Fléron) où je me remis sous les ordres du major Gohy, commandant le 2e PC du 12e gt de Ligne.
Nous attendions fébrilement l’ordre de repli, tandis que, non loin de nous, le fort de Fléron, les coupoles fièrement relevées, toutes forces admirables, crachait sa haine et son feu sur l’ennemi. Et c’est au cours de cette soirée du 10 mai que cet ordre nous parvint, provoquant un remous fort compréhensible parmi les plus jeunes que nous étions, encore ignorants des affres réelles de la guerre et cependant fermement résolus, dans le fond de notre âme, à combattre et vaincre l’assaillant.
Il ne m’est pas permis de vous décrire l’itinéraire que nous avons parcouru : l’obscurité de la nuit et la méconnaissance de la région me rendent cette description impossible. Toutefois, au lever du jour, il nous a été accordé quelques moments de repos au cours desquels nous nous sommes allongés dans les rues de Vivegnis. Et de là, en passant dans les environs de la Citadelle, nous fumes dirigés vers Rocourt, Loncin et Liers où la première attaque aérienne que nous avons subie coûta la vie à bon nombre de mes compagnons.
La nuit revint, lugubre et morne, martelée par le pas des soldats et le cahot du reste du matériel roulant s dirigeant en direction de Huy, en passant par Ans, Bierset, Voroux, Fexhe-le-Haut-Clocher, Fize-Fontaine, Villers-le-Bouillet, Bas-Oha où, sur la chaussée de Statte à Bierwart, nous avons essuyé un second bombardement au cours duquel tombèrent à nouveau plusieurs compagnons dont un mitrailleur de la 13e Cie (je pense) qui osa s’opposer in extremis à la puissance de l’aviation ennemie. Ce bombardement eut lieu vers 10h30 et nous sommes arrivés à Couthuin vers midi : nous avons passé la nuit à cet endroit.
Le lendemain matin, sous la conduite d’un lieutenant qui avait pris part à la campagne 14-18, nous nous remîmes en route vers Namur incendiée. Puis vint Charleroi et notre retour sur Auvelais où je me souviens avoir logé également. Dans le courant de la journée suivante, nous avons rencontré le colonel Gérard du 12e Rgt de Ligne parcourant à cheval les rues de Tamines et donnant l’ordre de se rendre à la gare de cette localité aux fins d’embarquement.
Après un nouveau bombardement, nous prîmes place dans un train en formation et fûmes dirigés vers Aalter. Au cours de ce voyage, à la nuit tombante, notre train tamponna un wagon-citerne et la locomotive ne tarda guère à flamber. Sous la violence du choc, les portes de notre wagon se fermèrent d’un coup sec et je sens encore s’affaisser sur moi un des six chevaux que nous accompagnions.
Une agitation que vous pouvez sans doute fort bien imaginer régnait sur la voie ferrée et aux cris vivement répétés de « sauve-qui-peut », un de mes camarades parvint à sortit par la lucarne du wagon, ouvrir les portes, qu’il était impossible de manœuvrer de l’intérieur, et ainsi nous libérer. Une heure plus tard, nous poursuivions notre route vers Aalter. Nous sommes arrivés à Gand peu après le bombardement de la gare et alors qu’il avait été procédé à l’arrestation du chef de gare.
À Aalter : débarquement. Je suis de ceux qui se rendent dans un château, à Poucke, où nous séjournons environ une semaine. Puis vint Kurne, sur la Lys, où nous avons pris position. Au cours d’une mission qui consistait à réparer une ligne téléphonique et de laquelle je fus chargé avec un caporal, l’Etat-Major s’en est allé sans nous prévenir. Sur le chemin du retour, c’était le 26 mai, nous fûmes arrêtés par une colonne allemande et capturés. »