Me Mayence, l’avocat des victimes du drame de Strépy, ne croit pas à un accident: «On peut se demander si ce n’était pas un trip qui consistait à foncer sur des gens»


Maître Mayence nous accueille dans son bureau au centre de Charleroi. C’est ici qu’il a travaillé sur les plus grandes affaires criminelles du pays et c’est d’ici qu’il tente désormais d’épauler plus de 50 victimes de Paolo Falzone. Si l’avocat du conducteur chauffard s’exprime souvent dans les médias, Me Mayence a choisi la discrétion. S’il accepte de se confier à Sudinfo dans une longue interview vidéo, c’est pour « garder un certain équilibre » dit-il.
Comme avocat de parties civiles vous avez un accès limité au dossier, vous confirmez quand même que Paolo Falzone roulait à 160 km/h en se filmant.
Je suis tenu par le secret de l’instruction mais je peux vous répondre sur un certain nombre de points. Je vous confirme qu’il se filmait en roulant à très vive allure. Il se filmait même au moment de l’impact. Nous avons donc une certitude sur le lieu, l’impact et la vitesse.
Quel est votre travail comme avocat des parties civiles ? Récupérer un maximum d’argent ou obtenir la peine la plus lourde ?
Le rôle de la partie civile ce n’est pas de demander une peine. En cour d’assises, quand quelqu’un est déclaré coupable, les parties civiles n’ont pas la parole sur la peine. C’est vrai que l’essentiel pour nous est l’indemnisation mais aussi la juste qualification des faits.
Vous avez tranché apparemment. Vous dites de facto que c’est un meurtre. Si c’est un meurtre c’est le jury populaire et les assises.
Quand vous imaginez que quelqu’un se filme au moment où il percute indiscutablement et volontairement une personne à plus de 120 km/h, que voulez-vous comme autre résultat que la mort ? Le résultat a été obtenu tel qu’il a été recherché. Qu’il y ait une personne pour laquelle on retient un meurtre ou six, ca ne changera rien la cour d’assises sera compétente. En termes de peine, au lieu de 5 ans pour un accident, on peut envisager une peine qui peut aller jusqu’à 30 ans. Je ne m’attache pas à la peine mais, pour les familles, c’est important.
Pour 1 des 6 victimes décédées, traînées sur plusieurs mètres, les faits ont été requalifiés en meurtre plutôt qu’en homicide involontaire. Vous pensez que c’était sous la pression, pour laisser Paolo Falzone en prison ?
Non, dans le cadre de l’instruction un élément majeur est apparu. Pour cette victime, il s’est arrêté pour la faire tomber et puis il a accéléré pour rouler dessus. Le meurtre est une évidence. J’irai, je le dis déjà, beaucoup plus loin. Je veux que l’homicide volontaire soit retenu pour l’ensemble des personnes victimes. Quand on décide de foncer en connaissant parfaitement les lieux, c’est difficile de soutenir qu’on n’accepte pas l’idée de pouvoir entraîner la mort.
Il y avait un passager dans la voiture, il a de l’importance pour vous ou le personnage central c’est le conducteur ?
Sur le plan de la responsabilité pénale il a de l’importance. Il va falloir des éléments pour évaluer son rôle exact. Quand vous entendez les vidéos vous entendez aussi les musiques, du rap qui va très fort.
Est-ce qu’il dormait ou pas ?
C’est impossible de dormir avec la musique qu’ils écoutaient. Au procès, les gens vont se rendre compte de ce que c’est de se filmer quand on va vers les gens. Quand vous entendez le type de musique dont il s’agit on peut même se demander si ces deux personnes n’ont pas décidé de se faire un trip qui consistait à foncer sur des gens. Ça reste une option.
C’est une vérité ou c’est une réflexion ?
C’est un cheminement intellectuel qui me permet d’essayer de comprendre comment on peut faire un truc pareil. D’où cela peut il venir ? Ils sont deux, est-ce qu’ils sont deux à le vouloir et à l’accepter ?