Procès des attentats à Bruxelles: deux familles liégeoises bouleversées par la mort d’une fille et d’une sœur


Les premiers ont parlé d’Aline Bastin, les seconds de Mélanie Defize. Ces jeunes femmes à l’aube de la trentaine étaient toutes deux originaires de la région liégeoise. Elles sont décédées dans l’attentat de la station de métro Maelbeek.
Aline Bastin et Mélanie Defize avaient 29 ans. Outre leur âge et leur région d’origine, elles se distinguaient toutes deux par de brillantes qualifications professionnelles, une certaine personnalité indépendante et une grande sociabilité.
Pierre Bastin, le papa d’Aline, a parlé de sa fille comme d’une jeune femme simple, drôle, passionnée de voyages et de littérature. Elle vivait en colocation à Watermael-Boitsfort. Elle avait un travail qu’elle adorait et elle s’apprêtait à s’installer dans son propre appartement. La signature des actes de vente était prévue à midi le jour de l’attentat.
« Sa vocation initiale était le journalisme. Elle a fait un master en communication, puis un autre en Études européennes aux Facultés Saint-Louis à Bruxelles. Elle a ensuite travaillé au CER, la Communauté européenne du rail. Elle adorait Bruxelles pour son côté cosmopolite. Elle n’aurait jamais pensé que le danger viendrait de la ville qu’elle aimait tant », a-t-il raconté. Pierre Bastin a remercié toutes les personnes qui ont embelli la vie de sa fille, notamment les collègues de la jeune femme, qui ont créé au CER un concours de photographies en sa mémoire.
Ce médecin de 67 ans a clos son témoignage en s’adressant aux accusés : « vous n’aurez pas ma haine, car la haine c’est vouloir la mort de l’autre, et je ne veux la mort de personne, c’est la justice que je souhaite », a-t-il dit. « Vous n’aurez pas ma haine, mais vous n’aurez pas non plus mon pardon (…) Au terme de ce procès, et quelle qu’en soit l’issue, le fil qui nous relie sera rompu. Vous sortirez de notre vie à jamais ».
Le frère de la victime, Eric Bastin, âgé de 40 ans, a également témoigné. Outre la peine qu’il endure, l’homme s’est dit en colère contre l’État belge, d’une part pour sa gestion des mesures de sécurité afin de protéger la population des actes de terrorisme, d’autre part pour son manque d’aide et de soutien aux victimes du terrorisme.
Plus tard dans la journée, la maman de Mélanie Defize a dressé elle aussi un portrait admiratif de sa fille. « Mélanie était brillante, sympathique, esthète, souriante et passionnée », a décrit la dame, très émue, avant d’évoquer avec mélancolie les souvenirs de sa fille alors qu’elle était encore une enfant, de leurs vacances en Provence et de ses premières notes de violon. « Elle voulait rendre la vie plus belle, faire en sorte que les gens se sentent plus intelligents en partageant ses connaissances en toute humilité. Lorsque nous avons appris sa mort, je n’avais qu’une seule envie : m’effondrer et laisser le désespoir m’envahir. Pour moi, la vie s’arrêtait avec elle », a-t-elle poursuivi.
S’adressant aux accusés, la maman éplorée a déclaré : « vous, qui agitez sans cesse vos droits, rappelez-vous que chacun a droit à la vie. Aucun être sur terre ne mérite une telle cruauté ».
La cour a enchaîné sur le témoignage du frère de Mélanie, Thomas. « Je suis triste qu’on nous ait arraché une sœur et une fille et je suis en colère contre les responsables directs, bien sûr, mais aussi contre les responsables indirects. Ce sont des politiques, ils savent très bien ce qu’ils ont fait avec Oussama Atar, j’espère qu’ils arrivent à dormir avec ça », a dit le témoin, affirmant rejoindre les propos tenus avant lui par Éric Bastin.
Thomas Defize a ensuite usé de la même rhétorique que Pierre Bastin pour s’adresser aux accusés. « Vous n’aurez pas ma haine, même si c’est peut-être ce que vous espériez. Vous n’aurez pas mon pardon non plus, car ce n’est pas à moi de pardonner pour ma sœur et qu’il n’y a pas de pardon sans regrets. »
La cour a également entendu jeudi la famille d’Yves Ciyombo, un homme de 27 ans décédé dans l’attentat à Maelbeek. « Avec la mort d’Yves, notre famille a perdu sa locomotive », a notamment affirmé sa petite sœur, Ornella. « C’était celui qui nous donnait des conseils quand on avait des problèmes, c’était l’exemple à suivre », a raconté l’un de ses frères, Nathan. « Je ferai de mon mieux pour lui ressembler, c’est mon modèle. »
La cour a aussi écouté le récit de Christian Manzanza-Mayikanzi, un rescapé de Maelbeek. Le comptable de 37 ans a pu s’extirper de la deuxième voiture de la rame de métro, totalement détruite par l’explosion. « J’ai été projeté au sol. J’ai perdu connaissance. À mon réveil, la vue était horrible, mais mon esprit bloque certaines images. J’ai voulu sortir de l’enfer le plus vite possible. Dehors, j’ai vu mon visage et mes mains brûlés », a-t-il décrit, dans un éclat de sanglots. Christian a raconté ensuite être passé par différents stades : l’euphorie, animée par un sentiment de devoir profiter de la vie à tout prix, puis le désir de vengeance et celui d’en finir avec la vie. Aujourd’hui, cet ancien grand sportif a retrouvé un certain équilibre.
La journée s’est clôturée par une longue prise de parole de Anne-Sophie Cloquet, survivante du métro bruxellois, qui est revenue sur son vécu le jour des faits et les conséquences que ceux-ci ont engendrés sur sa vie. Enfin, lecture a été donnée par la cour de l’audition des proches d’Olivier Delespesse, décédé à Maelbeek. Prévus pour venir témoigner, la maman et le frère de ce dernier ont finalement renoncé à se présenter.
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