«Desperate Housewives», cancer de l’anus, icône gay… Marcia Cross se confie à cœur ouvert au festival Séries Mania: «J’ai toujours été un esprit torturé»
C’était l’attraction numéro 1 du festival Séries Mania : l’inoubliable Bree Van De Kamp de « Desperate Housewives » était attendue à Lille, ce mardi 21 mars. L’actrice a livré une masterclass à la fois émouvante, sincère et drôle… tout à son image.

Révélée au grand public sous les traits du Dʳ Kim Shaw dans « Melrose Place », Marcia Cross est rapidement devenue l’une de ces actrices iconiques des années 2000. Notamment grâce à son rôle de Bree Van De Kamp dans « Desperate Housewives », la série de Marc Cherry, avec aussi Eva Longoria, Teri Hatcher et Felicity Huffman. Un personnage qui a valu à son interprète trois nominations aux Golden Globes et une nomination aux Primetime Emmy.
Ce mardi 21 mars, l’actrice de 60 ans était présente à Lille dans le cadre de Séries Mania, le festival international des séries, où nous avons rendez-vous avec elle ce mercredi pour une interview à lire prochainement dans votre Ciné-Télé-Revue.
Mais avant… Marcia Cross, aussi connue pour avoir campé la présidente des États-Unis dans « Quantico » ainsi que pour sa brève apparition dans « You » (Netflix), a donné une masterclass gratuite devant un parterre de plus de 1300 fans venus spécialement pour elle.
Lesquels ont accueilli l’actrice sur une véritable standing ovation, ce qui n’a pas manqué d’émouvoir l’invitée du jour. Laquelle a ensuite remonté le fil de sa carrière.
Se souvient-elle du moment où elle a décidé de devenir actrice ? « J’avais 7 ans, et j’ai joué dans une petite pièce de théâtre autour de la sorcellerie. C’est là que j’ai senti que j’allais devenir comédienne », confie Marcia Cross à l’assemblée. « Mon institutrice me poussait au maximum, j’ai été mordue par cette passion qui ne m’a plus jamais quittée. »
« Croyez en vos rêves et ne laissez personne vous décourager », envoie alors la star au public. « Je n’avais rien planifié. Mon mari était préoccupé très jeune par le fait de devoir gagner sa vie. Moi, je ne me suis jamais posé cette question. Je ne savais pas comment j’allais payer mes factures, mais je savais que je voulais devenir actrice. »
On l’avait presque oublié, mais Marcia Cross est aussi apparue dans la série culte « Côté ouest », ainsi que dans « Madame est servie » et… « Arabesque », dont elle garde un tendre souvenir. « J’ai essayé de ne pas montrer que j’étais fan, mais quand j’ai rencontré Angela Lansbury, j’étais une vraie groupie ! »
De confidence en confidence, l’élégante rousse avouera qu’elle a toutefois toujours été un esprit torturé. « Ça me rappelle une photo de moi quand j’étais petite, on y voit bien mon côté sombre », dit-elle à propos de son portrait de la sitcom « Cheers », diffusée fin des années 1980, début des années 1990 sur NBC. « Au début, on m’a dit qu’il y avait quelque chose de trop sombre dans mes yeux. Ça m’avait horrifié à l’époque. Aujourd’hui je le comprends, je le vois aussi. »
« On était en pleine épidémie de sida, dans les années 80 », enchaîne l’actrice. « Beaucoup d’hommes avec qui j’ai travaillé sont morts du VIH, ça me touche beaucoup… mais, changeons de sujet. »
Marcia Cross revient alors sur ce qu’elle adore, et ce qu’elle sait faire le mieux : « Je suis plus une actrice de tragédie, au fond, qu’une actrice de comédie. Je ne suis pas une comédienne drôle ! Je fais ce qu’on me dit de faire, et le corps fait le reste. Vous savez… dans les années 80, on courrait tous d’un casting à l’autre, on gagnait de quoi vivre, on apprenait le métier devant les caméras, sur le tas. On ne réfléchissait pas vraiment à ce qu’on faisait. Je ne me suis jamais posé plus de question que ça. »
Les années « Melrose »
Durant 114 épisodes, Marcia Cross aura donc aussi été Kimberly dans « Melrose Place », diffusé dès 1992 sur RTL-TVI. « C’est le personnage le plus fou que j’ai incarné à la télé », avoue l’actrice. « On tournait deux épisodes par jour, c’était non-stop. »
« C’était une période compliquée pour moi », ajoute-t-elle. « Je n’avais pas l’intention de jouer… J’avais perdu quelqu’un, j’étais en deuil et c’était l’occasion de sortir de ma peine. J’étais folle de chagrin à cette époque-là. Quand je revois des épisodes, je me souviens tout ce processus de deuil… et ça se voit à l’écran. Cette série a comme été thérapeutique pour moi. »
Quant à Kim… elle aura été et demeure l’une des méchantes les plus aimées de l’histoire de la télé. « Ça m’a pris beaucoup d’énergie pour m’en défaire… », se souvient son interprète. « À l’époque, je me mettais à genoux en suppliant tout Hollywood de me donner un rôle normal. Si vous êtes iconique dans une catégorie, c’est difficile d’en sortir. Avec du recul, je vois un peu en elle les germes de Bree. »
D’actrice à psychologue
Dépitée de ne pas retrouver de rôle intéressant, Marcia entame alors une reconversion en psychologie. « J’ai travaillé un petit peu comme psy, parce que je ne voulais pas faire de la mauvaise télévision. Je suis trop intelligente pour faire n’importe quoi ! Alors, j’ai fait des études et j’ai exercé un peu comme psychologue. J’ai été bénévole aussi, les patients n’en revenaient pas de voir Kimberly les recevoir. (Rires.) Ils voyaient la comédienne avant de voir la psy. »
Elle reconnaît ensuite que cette phase l’a aidée pour son travail d’actrice, « car plus on se connaît, plus on peut aller chercher des facettes intéressantes pour les personnages. »
« Une carrière n’est pas simple, ce n’est pas un long fleuve tranquille, il y a beaucoup de souffrances. Mais c’est important de persévérer », continue Marcia. « J’ai eu beaucoup de moments durs, de déprime… Mais il faut être résiliant. Regardez Van Gogh, il n’a rien vendu de son vivant ! Être artiste n’est pas si simple que ça… ça fait mal. On doit rester ouvert à ce qui se propose à vous. »
De Kim à Bree « Desperate » Van de Kamp
Pour ce qui est de ses années « Desperate Housewives », Marcia se souvient : « Je voulais être Mary Alice. Je voulais fonder une famille et je n’avais personne dans ma vie, et il fallait que je reste à la maison pour élever ce bébé que je comptais élever seule… alors, je voulais passer l’audition, mais pas pour Bree. Marc Cherry n’avait pas vraiment vu Melrose, et ils m’ont fait passer l’audition de Bree. Elle était compliquée pour moi au début, tant elle était too much. Cette série a changé ma vie. Je ressens beaucoup d’amour et de reconnaissance envers l’équipe tout entière. J’ai presque envie de pleurer… »
Bientôt le retour des « Desperate Housewives » ?
Contrairement à ce que les médias ont voulu faire croire au moment du tournage, la bonne entente régnait sur le plateau, majoritairement féminin. « On a eu beaucoup de chance, on était connectées, on l’est encore… D’ailleurs, j’aimerais organiser une réunion des Desperate Housewives. Mais pas à la télé ! Marc a dit non, plus jamais. »
Une scène forte de Bree, lorsqu’elle apprend la mort de son mari Rex, est alors projetée sur grand écran. Un moment très émouvant, qui a tiré quelques larmes à Marcia. « La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Tout le monde est touché de près ou de loin par la mort, la souffrance. C’est la vie… La clé c’est de se relever. »
Son combat contre le cancer de l’anus
« J’ai souffert d’un cancer de l’anus, qui a été détecté très tôt. Aujourd’hui je vais bien. Mais c’est tout de même fou ! Je joue le rôle de cette femme psychorigide, et j’attrape le pire cancer du monde… » fait alors remarquer Marcia Cross. « Ce n’est pas un cancer dont il est facile de parler, mais je ne pouvais pas ne pas le dire, parce que les gens ne connaissent pas cette maladie. Ils ne savaient pas ce qu’était le papillomavirus (qui a déclenché son cancer), ni quels étaient les symptômes. Je me suis dit : il faut qu’ils sachent. J’aimerais dire que j’ai été courageuse, mais en fait je n’avais pas le choix. On a sauvé des vies en parlant ouvertement de ce cancer ! Alors que personne n’a envie d’en être le porte-parole. Pourtant, qui a un anus dans la salle ? C’est la dernière frontière, le dernier tabou. On n’ose pas parler d’anus, mais moi… je peux parler d’anus pendant des heures, parce que je suis très heureuse d’en avoir un et il va bien ! »
Des scènes de « Desperate Housewives » tournées chez elle
En plein tournage de « Desperate », une heureuse nouvelle tombe : Marcia Cross est enceinte de jumelles (Eden et Savannah, aujourd’hui âgées de 15 ans).
L’actrice s’est alors battue pour continuer à travailler. « J’avais un certain âge (45 ans), et si je voulais un enfant, c’était le moment ou jamais », dit-elle. « Je ne me voyais pas sans enfant, je voulais une famille, c’était comme ça. Alors, on a filmé une partie de la saison 3 chez moi, car il a fallu un moment que je sois alitée. Marc a dû réécrire quelques scènes, et a reconstitué les décors dans la maison ! »
« Je suis très fière d’être une icône gay »
Dans « Desperate Housewives », Bree apprend à un moment que son fils est homosexuel, et ne l’accepte pas. Du moins, pas tout de suite. « J’avais quelques soucis quand je jouais ces moments douloureux d’une mère qui rejette son enfant », confesse l’actrice. « Maintenant, je vois le cheminement de cette femme, le parcours d’amour et de tolérance dans lequel elle s’engage, et je trouve ça brillant. »
« Je suis très fière d’être une icône gay », ajoute Marcia. « Les États-Unis sont en train de reculer… on ne va pas trop en parler, parce que ça me rend dingue, mais il y a plein de problème aux USA. La télé continue de changer la mentalité, les perceptions des gens. J’espère juste que ça change les gens dans le bon sens. »
Et la suite ?
Après Bree, Marcia avoue qu’il lui est difficile d’incarner un autre personnage iconique. « J’ai toujours pensé qu’après Desperate, il y aurait l’acte 3. Que j’aurais le temps de me reposer un peu, et qu’il viendrait naturellement… mais il ne vient pas. Il y a des hauts et des bas, mais je m’attache à ce qu’il y a devant moi. J’aimerais jouer une pièce de théâtre cet été. »
« Je me sens épanouie en tant qu’être humain, mais Hollywood ne s’intéresse pas à moi, il n’y en a que pour la chirurgie esthétique » tacle enfin la sexagénaire. « La télévision européenne semble aimer les femmes de manière plus authentique, j’aimerais explorer ça. À Hollywood, on aime pas voir les femmes d’un certain âge à la télévision. Quand on a une héroïne de 40 ans comme dans « Desperate », c’est formidable. Maintenant, il faudrait des femmes de 60 ans qui font quelque chose, non ? »
Aujourd’hui alors, quel serait son rôle de rêve ? « Celui d’une femme contemporaine. Passé 60 ans, il y a plein de complexités à explorer. C’est faux de penser qu’il n’y a que des rôles de grands-mères ! C’est un problème de scénariste. Je ne veux pas juste jouer un rôle de personne âgée, il faut que je fasse des trucs intéressant. »
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