Au pays du houblon et des brasseries, ils créent leur cidre, Popine

Du jus de pommes et des levures. Vu comme ça, réaliser son propre cidre paraît d’une simplicité évangélique. Sauf qu’il a fallu quelques tentatives à Samuel Lefrancq et Antoine Carlu, deux copains attachés au terroir et à la Flandre, avant d’obtenir satisfaction : « Le premier n’était vraiment pas bon, pas du tout équilibré, ça s’apparentait à une boisson pétillante très acide, raconte Antoine, ingénieur agronome et responsable des opérations à la Brasserie du Pays flamand de Merville. Le cidre est un produit naturel avec ses contraintes. Les quatre mois de fermentation réservent des surprises. » Il sourit.

« Brasser une bière s’imposait »

C’est dans l’antre godewaersveldois de Biklou, magasin tenu par Samuel Lefrancq sur la place Verte, que l’idée a germé et que le concept s’est affiné. « La location de vélos, lancée il y a un an, est saisonnière. On a discuté d’une deuxième activité de complément », expose l’homme de 35 ans.

Au pied du mont des Cats, à quelques hectomètres des houblonnières de Riquier Thevenin, « brasser une bière s’imposait. Ç’aurait été une de plus dans le paysage, au risque de faire moins bien et moins bon que les autres brasseurs de la région ».

Un cidre au houblon Citra

Le tandem a jeté son dévolu sur une autre boisson pétillante : « Il y a énormément de pommiers dans la campagne flamande et peu de cidre. On a voulu un produit équilibré, que l’on retrouve à la pression dans les pubs britanniques et de plus en plus dans les cafés lillois, en développant l’approche anglo-saxonne. » Entendre par là un goût franc, puissant, aux antipodes des bolées saturés en sucre accompagnant les crêpes à la vergeoise.

Élaboré à partir de boskoop et de jonagold de la Pommeraie d’Oxelaëre, fermenté dans les cuves du Pays flamand à Merville, le cidre extra-brut titre sept degrés. Clin d’œil appuyé à la bière – Samuel Lefrancq et sa compagne habitent dans l’ancienne halle à houblons de Godewaervselde –, du houblon Citra a été ajouté au second produit de la gamme, le brut.

À la dégustation, les arômes d’agrumes du puissant ingrédient explosent. Le parfum réconfortant de la pomme lui résiste. L’ensemble étonne : « C’est une identité, un parti pris et l’assurance que le goût changera d’une récolte à l’autre, sur le principe du vin  », assurent Samuel et Antoine, qui n’excluent pas à l’avenir une gamme sans alcool, des assemblages de jus vieillis en fûts de vin…

Popine est à peine né qu’un vaste champ d’expérimentations s’ouvre à eux, entre houblonnières et vergers, les pieds ancrés dans le terroir.

Mais ça veut dire quoi popine ?

Les amateurs de bière auront pensé à la brasserie Popihn, dans l’Yonne. Une référence dans le monde du craft (la bière artisanale), pour ses breuvages typés au goût d’agrumes. Il n’en est rien. « Nous cherchions un nom et je suis tombé sur ce terme argotique. Une popine est une auberge, une taverne bruyante, détaille Samuel Lefrancq. On y trouve le -po de pomme, le -op qui renvoie au houblon (hop en anglais) et la convivialité d’une chopine. Ce sont exactement les valeurs que l’on souhaite partager. »