La Petite Gazette


Après la grande grève des carriers de 1886 menée par le désormais légendaire Hubert Pahaut, dit le Roi Pahaut, le premier syndicat ouvrier de l’Ourthe-Amblève est créé à Sprimont, en août 1887. C’est un an après l’issue heureuse du conflit pour les ouvriers mais ce délai a permis aux patrons carriers de récupérer une partie de ce qu’ils avaient concédé aux ouvriers pour sortir de la grève.
Ce premier syndicat se structure petit à petit sous l’égide de Jean-Baptiste Schinler et devient, dès septembre 1890, la « Société syndicale et coopérative les carriers sprimontois », dont la cotisation est fixée à 50 centimes/mois et qui compte une centaine de membres. Quand Pahaut, alors président mais en constant désaccord avec son comité, en sera exclu, les affiliations affluent et, à la veille de la grève de 1893-1894, le nombre de membres approche le millier et ce malgré les menaces de licenciement brandies par les patrons carriers.
Quand le syndicat a deux ans, la coopération devient la principale préoccupation de la société et, dès 1892, un immeuble est acheté à Sprimont et une épicerie y est ouverte. Les rayons se développèrent progressivement pour proposer des laines, des tissus, des articles en fer blanc, des ustensiles émaillés, des poteries… La concurrence patronale est rude car, rappelons-le, les maîtres de carrière possèdent aussi leurs magasins et certains d’entre eux pratiquent toujours le truck system, cette pratique qui consistait à payer les salaires en marchandises ou en « monnaie » seulement acceptée dans certains magasins désignés.
Le 1er juin 1894, une première succursale est ouverte à Aywaille. Peu après, c’est à Poulseur qu’un nouveau magasin ouvre ses portes devant la gare ; le grand immeuble sur la place sera acquis en 1898 et le magasin y sera transféré l’année suivante. Pour répondre aux besoins des coopérateurs de nouveaux services sont proposés, ainsi un service de livraison à domicile est instauré à Poulseur et les marchandises sont livrées au moyen d’une charrette à chien, viendront ensuite deux camions tractés chacun par un cheval pour assurer ces livraisons à Poulseur et à Aywaille.
La société continue de se développer et de nouveaux magasins se créeront encore à Florzé, à Fond Leval, à Chanxhe et à Martinrive. Les carriers sprimontois exploitent en outre une boulangerie, une charcuterie, deux Maisons du peuple et six cafés du peuple et même, pendant un moment, un atelier de confection de chaussures. Enfin, pendant la grève de l’hiver 1893-1894, une coopérative de production de pierres permettra de donner un peu de travail aux ouvriers pendant la durée de la grève.